La crise de la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur de la construction en 2025 : 439 000 travailleurs nécessaires et ce que les entrepreneurs généraux doivent faire maintenant
Le secteur de la construction est confronté à une crise de la main-d'œuvre sans précédent. Alors que les projets sont en plein essor dans toute l'Amérique du Nord, les entrepreneurs, de Vancouver à Miami, sont confrontés au même problème : il n'y a pas assez de travailleurs qualifiés pour construire ce qui doit être construit. Les chiffres sont éloquents. Selon l'Associated Builders and Contractors (ABC), le secteur américain de la construction devra attirer environ 439 000 nouveaux travailleurs nets en 2025, simplement pour répondre à la demande prévue. Ce n'est pas de la croissance, c'est de la survie. Mais ce qui différencie cette crise des pénuries de main-d'œuvre antérieures, c'est qu'elle se produit pendant un boom de la construction, et non pendant une récession. L'emploi dans le secteur de la construction au Canada a fait un bond de 3,6 % (58 000 emplois) d'une année sur l'autre en janvier 2025, mais les projets sont toujours retardés en raison de la pénurie de main-d'œuvre.
La tempête parfaite : Pourquoi 2025 est le point de basculement
Trois forces convergent pour créer cette crise de la main-d'œuvre, et il est essentiel pour les entrepreneurs généraux qui planifient leurs prochaines actions de les comprendre.
Le tsunami de l'argent frappe le secteur de la construction
Les données démographiques ne mentent pas. Environ un travailleur de la construction sur cinq devrait prendre sa retraite au cours de la prochaine décennie. Rien qu'en Ontario, plus de 80 000 travailleurs de la construction devraient prendre leur retraite d'ici 2031. Le Nouveau-Brunswick pourrait voir un tiers de sa main-d'œuvre de la construction partir à la retraite d'ici quatre ans. Il ne s'agit pas seulement d'une question de chiffres, mais aussi d'une perte de connaissances institutionnelles. Lorsqu'un compagnon électricien ayant 30 ans d'expérience part à la retraite, il emporte avec lui un savoir-faire spécialisé qui ne peut pas être facilement remplacé.
La demande dépasse l'offre à des niveaux records
Le Canada a des projets d'infrastructure ambitieux. L'Ontario vise à construire 1,5 million de nouveaux logements d'ici 2031. Un récent rapport de RBC estime que plus de 500 000 travailleurs de la construction supplémentaires seront nécessaires d'ici 2030 pour répondre aux besoins en matière de logement et d'infrastructure. Aux États-Unis, plus d'un dollar sur cinq dépensés dans la construction non résidentielle est actuellement consacré à des projets manufacturiers. Ces mégaprojets absorbent une part importante de la main-d'œuvre régionale, créant des effets d'entraînement dans d'autres secteurs de la construction.
Les points chauds régionaux : Là où la crise frappe le plus durement
La pénurie de main-d'œuvre n'est pas uniforme en Amérique du Nord. Certaines régions connaissent des pénuries aiguës tandis que d'autres conservent une relative stabilité.
Les zones de crise du Canada :
- Colombie-Britannique : 72 % des entrepreneurs signalent des pénuries de main-d'œuvre qualifiée, ce qui les oblige à refuser des projets
- Selon les données de Statistique Canada, le taux de vacance des emplois dans le secteur de la construction s'élèvera à 4,2 % au début de l'année 2024, ce qui est nettement supérieur aux moyennes nationales.
- L'emploi dans la construction a augmenté de 19 000 (+1,2%) en janvier 2025, mais le nombre de postes vacants reste élevé
Modèles de croissance et de pénurie aux États-Unis :
Les zones métropolitaines où la croissance de l'emploi dans la construction est la plus forte sont confrontées aux pénuries les plus graves :
- Salt Lake City : croissance de 30,9
- Nashville/Davidson/Murfreesboro/Franklin : croissance de 29
- Phoenix/Mesa/Chandler : croissance de 25,7
- Austin/Round Rock/Georgetown : croissance de 19,9%.
- Las Vegas/Henderson/Paradise : 19% de croissance
À l'inverse, des zones métropolitaines comme Pittsburgh, la Nouvelle-Orléans, Atlanta et Baltimore affichent la plus faible croissance de l'emploi dans le secteur de la construction, ce qui suggère des dynamiques de marché différentes.
Le paradoxe des salaires : pourquoi l'augmentation des salaires ne résout pas le problème
Voici ce qui intrigue les experts du secteur : les salaires dans la construction ont augmenté plus rapidement que l'ensemble de l'économie. Dans certaines régions du Canada, les salaires dans le secteur de la construction s'élèvent aujourd'hui en moyenne à plus de 37 dollars de l'heure. Aux États-Unis, le salaire horaire moyen a atteint 38,76 dollars en mars 2025, soit une augmentation de 4,5 % par rapport à l'année précédente. Les salaires dans la construction sont désormais supérieurs de 10,2 % à ceux de l'industrie manufacturière et de 24 % à ceux des transports et de l'entreposage. Pourtant, la pénurie persiste. Pourquoi ? Parce que l'argent ne suffit pas à résoudre les problèmes fondamentaux qui détournent les travailleurs des carrières dans la construction.
La crise du maintien en poste des effectifs au sein de la crise
Il ne s'agit pas seulement d'embaucher, mais aussi de garder les travailleurs que vous avez. Selon Statistique Canada, 28 % des entreprises de construction considèrent le maintien en poste d'employés qualifiés comme un obstacle majeur. En Colombie-Britannique, 30 % des entrepreneurs citent le maintien en poste des employés comme l'un de leurs principaux défis. Le taux de roulement élevé dans le secteur de la construction frappe plus durement que dans d'autres industries. Lorsqu'un superviseur de chantier s'en va, il emporte avec lui des connaissances spécifiques au projet qui peuvent retarder considérablement les échéances.
La technologie : Menace ou salut ?
L'automatisation constitue une solution à double tranchant à la crise de l'emploi. Un développeur canadien a récemment dévoilé "Val", un robot capable de faire le travail de 20 ouvriers, de couler et d'assembler des structures en béton avec une surveillance humaine minimale. Mais l'adoption reste lente et inégale. Contrairement à l'industrie manufacturière, les chantiers de construction sont des environnements dynamiques souvent gérés par de petites entreprises, ce qui rend la mise en œuvre de l'automatisation difficile. L'idée clé ? L'automatisation ne consiste pas à remplacer les ouvriers de la construction, mais à augmenter la main-d'œuvre et à réorienter les efforts humains vers des activités à plus forte valeur ajoutée.
L'immigration : Une solution partielle avec des complications politiques
L'immigration a longtemps été la soupape de sécurité du secteur de la construction, mais les politiques n'ont pas suivi le rythme des besoins de l'industrie. Alors même que le Canada atteignait des objectifs record en matière d'immigration, les employeurs du secteur de la construction ne parvenaient toujours pas à trouver suffisamment de travailleurs qualifiés.
En mars 2025, Immigration Canada a annoncé des mesures ciblées :
- Nouveau conseil consultatif avec l'industrie et les syndicats pour identifier les besoins en main-d'œuvre
- Accélération de la régularisation des travailleurs de la construction sans statut
- Suppression des formalités administratives pour les apprentis étrangers des métiers spécialisés
- Politique temporaire permettant aux apprentis étrangers du secteur de la construction de compléter leur formation sans permis d'études
Ces changements montrent que l'on reconnaît qu'il ne suffit pas d'augmenter le nombre d'immigrés ; il faut aussi savoir qui est admis et à quelle vitesse ses qualifications sont reconnues.
Ce que les entrepreneurs généraux doivent faire maintenant : Au-delà des solutions de fortune
Les données sont claires : les approches traditionnelles ne fonctionnent pas. Voici ce que les entrepreneurs qui réussissent font différemment.
1. Investir dans la formation et l'apprentissage
Le développement des compétences en interne est plus lent mais plus fiable que la concurrence pour les talents existants. Des programmes de formation accélérés peuvent aider les nouveaux travailleurs à être prêts à travailler plus rapidement. Envisagez des camps d'entraînement pour les travailleurs en transition issus d'autres secteurs ou de l'armée.
2. Améliorer la fidélisation grâce à un engagement stratégique
Compte tenu des coûts de rotation, la fidélisation pourrait s'avérer plus rapide que le recrutement. En d'autres termes :
- Des pratiques et des équipements de sécurité améliorés qui réduisent les risques de blessures
- Des parcours de carrière clairs (aider les ouvriers à devenir des professionnels agréés)
- Programmes de mentorat associant des travailleurs expérimentés à de nouveaux arrivants
- Horaires flexibles pendant les périodes creuses
3. Adopter la technologie de manière stratégique
La construction modulaire et la préfabrication hors site peuvent réduire les besoins en main-d'œuvre sur place. Les logiciels de gestion de la construction rationalisent les flux de travail et réduisent les heures de travail perdues. L'objectif est d'augmenter la productivité par travailleur plutôt que d'augmenter le nombre de travailleurs.
4. Exploiter les viviers de talents sous-représentés
Les femmes ne représentent qu'une petite partie de la main-d'œuvre du secteur de la construction, en particulier dans les métiers. Les programmes encourageant les femmes à s'orienter vers les métiers, leur offrant un mentorat et garantissant des lieux de travail exempts de harcèlement peuvent élargir considérablement le vivier de talents. De même, l'engagement des communautés indigènes, des anciens combattants et des nouveaux immigrants par le biais d'une sensibilisation ciblée peut permettre de découvrir des candidats motivés.
5. Collaborer et planifier stratégiquement
Utilisez les données pour prévoir les départs à la retraite. Si vous savez qu'un tiers de vos électriciens prendront leur retraite d'ici 2030, commencez dès maintenant à encadrer des apprentis sous leur direction. Les chefs d'entreprise devraient plaider en faveur de politiques soutenant la croissance de la main-d'œuvre.
Les emplois dans le secteur de la construction qui connaissent la croissance la plus rapide : Quand l'opportunité rencontre la demande
Malgré la pénurie générale, certaines spécialités de la construction connaissent une croissance rapide :
- Technicien d'entretien de turbines éoliennes : croissance prévue de 56 % (900 nouveaux emplois), revenu médian de 59 870 $.
- Installateur de panneaux solaires photovoltaïques : croissance prévue de 26,4 % (4 600 nouveaux emplois), revenu médian de 49 870 dollars.
- Réparateur de portes mécaniques : Croissance prévue de 14,4 % (2 800 nouveaux emplois), revenu médian de 48 950 $.
- Électriciens : Croissance prévue de 13,1 % (74 800 nouveaux emplois), revenu médian de 60 740 $.
- Mécaniciens et installateurs de systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation : Croissance prévue de 11,1 % (33 600 nouveaux emplois), revenu médian de 54 620 $.
Ces spécialités offrent aux entrepreneurs la possibilité de diversifier leurs services et d'attirer des travailleurs intéressés par les technologies émergentes.
Se préparer à l'incertitude économique
Tout en s'attaquant aux pénuries de main-d'œuvre, les entrepreneurs doivent également se préparer à d'éventuels ralentissements du marché. Les emplois dans la construction ouverte ont chuté de 90 000 par rapport à la même période de l'année dernière, et l'emploi dans la construction résidentielle est en baisse.
Les entrepreneurs retenus sont :
- Maintenir des réserves de trésorerie couvrant six mois de dépenses d'exploitation
- Révision des frais généraux et rationalisation des opérations
- Renforcer les relations avec les clients et les fournisseurs
- Augmenter les dépenses de marketing pendant les périodes de ralentissement afin de remplacer les clients perdus
- Jouer sur leurs points forts tout en envisageant la diversification des services
L'essentiel : Agir maintenant ou prendre du retard
La pénurie de main-d'œuvre dans le secteur de la construction en 2025 n'est pas un mal de tête temporaire, c'est un changement fondamental qui exige une réponse stratégique. Les entreprises qui prospéreront seront celles qui répondront aux besoins d'aujourd'hui tout en construisant le pipeline de main-d'œuvre de demain. Avec 439 000 travailleurs nécessaires rien qu'aux États-Unis et des pressions similaires au Canada, le temps des changements progressifs est révolu. Les entrepreneurs généraux doivent faire preuve d'innovation en matière d'embauche, de formation, de rétention et d'adoption de technologies. Le boom de la construction se poursuit, mais seuls les entrepreneurs qui résolvent l'équation de la main-d'œuvre seront en mesure de capitaliser sur les opportunités à venir.
Sources des données : Associated Builders and Contractors, Statistique Canada, Bureau of Labor Statistics, Immigration Canada, RBC Economics, Certn Industry Analysis, Home Depot Pro Forecast